Il m’arrive parfois de ressentir de la pitié pour vous, jeunes Cyns Selenytes. Vous pensez être à l’aube de quelque chose et vous pourriez même croire qu’encore aujourd’hui vous possédez un quelconque rôle à jouer. Pourtant, vous ne savez rien des réalités et votre passé commun vous échappe ! Quoi ? Qui sont ces malheureux lecteurs voulant déjà me donner tort ? Ma participation à ce concours est purement cordiale : détestant fêter les anniversaires, je veux pourtant m’amuser des Cyns Selenytes qui sont à l’honneur en ce moment.
Laissez-moi donc entamer un récit où vous êtes à la fois les vainqueurs et les vaincus, des forts dominés par une lourde faiblesse !
L’an 639 a été fabuleux, autant pour votre Clan de Mercenaires que pour moi. À l’époque, vous étiez de merveilleux chercheurs de trésors, de véritables maîtres de la scène publique en Amakna. Hélas, il existait un butin que même Enayar, votre défunt Grand Maître, n’avait pas encore jugé sur sa vraie valeur. Il s’agissait d’un Sceptre, un objet sublime sculpté dans du bois d’orme, recouvert d’une fine couche d’or et enfin surmonté d’une superbe gemme entièrement faite d’ambre. En apparence, cet objet méritait de rejoindre vos coffres, à l’identique de toutes ces autres babioles que vous possédiez alors. Pourtant, dans les ténèbres du Continent d’Amakna se dissimulait un danger affreux qui, peu à peu, allait de très près s’intéresser à vous.
Ce mal portait le nom d’Anenthem, et vous aviez déjà éveillé dans leur esprit ténébreux de bien sombres idées. Le Sceptre était à eux… Ou plutôt il « était » eux ! C’est en effet à l’intérieur de ce séduisant objet que se dissimulaient leurs âmes écorchées. Sept frères démons avaient jadis été enfermés dans ce Sceptre pour qu’à jamais soient enterrés les pouvoirs qu’ils exerçaient sur les Rêves.
Votre avidité avait bien vite libéré leur pouvoir, et désormais vous autres les chasseurs étiez devenus les proies de sept créatures à la fois puissantes et déterminées. Dominés à la fois sur le plan stratégique mais aussi sur le plan militaire, vous autres Selenytes aviez bien vite perdu la moindre goutte de combattivité. Vous étiez tous endormis, laissés pour compte et très bientôt vaincus.
Pourtant, votre Grand Maître Enayar maîtrisait un pouvoir bien peu commun : il savait sonder les âmes ! Heureusement, c’est lui qui, le premier, découvrit la malédiction qui pesait sur moi, Voulcanos. Les Anenthem vivaient dans la nature, sans entraves, mais ils avaient besoin du Sceptre pour récupérer tout leur pouvoir. Pour une courte période je leur servis de marionnette, réalisant leurs desseins les plus obscurs. Ces démons avaient fait naître en moi de bien sottes idées, plongeant ma conscience dans d’immondes rêves dont j’étais incapable de sortir – car là se trouvait bel et bien leur plus grand pouvoir.
Ainsi manipulé, mon corps était alors entièrement consacré à vous mettre en danger, encore et encore : dès cet instant, le Consulat tout entier s’était ligué contre vous au cours d’une guerre mémorable. Les Anenthem gagnaient en puissance chaque jour et les confrontations étaient sans fin : qu’il était amusant de voir votre cher Pale d’Haddin tenu en laisse par ces démons et manipulé comme un traître à sa cause ! Qu’il était plaisant de voir déferler sur votre demeure une horde de miliciens affreusement guidés par les Anenthem !
Enayar savait au fond de lui que j'étais la clef du problème : curieusement, il m’invita alors à Amakna, en terre neutre, pour marchander le Sceptre contre un possible retour au calme.
En fait, il ne fallait pas s’attendre à autre chose de la part de votre ancien Grand Maître : Enayar avait dressé un gigantesque bouclier entre nous deux et le reste de la foule au cours de ce rendez-vous bien peu galant. La magie d'Enayar avait fait trembler le sol avec une intensité incroyable, et s’il me fallait être une mauvaise langue je vous avouerais que Maures avait passé plus de temps sur les fesses que sur ses pieds à cause de ce séisme !
Bien vite désarmé par Enayar après un bref échange de coups, je fus alors la cible de ses inquiétants pouvoirs. Le Maître Féca auscultait mon âme et voyait bien le jeu des Anenthem, ces démons capables de tisser des rêves étouffants et d’ensuite capturer les corps de leurs victimes. Enayar trouva alors les bons mots pour libérer mon esprit de sa prison de songes et les Anenthem furent mis en déroute, jetés hors de mon enveloppe charnelle.
C’est avec sa détermination et ses impressionnantes capacités que votre leader Enayar résolut une situation désespérée où tout votre clan aurait pu disparaître.
Les Anenthem quant à eux étaient vaincus : privés de leur meilleur hôte, leur pouvoir diminuait au fil des heures, et ne resterait bientôt d’eux qu’un bien déplaisant souvenir ! Pour terminer en beauté, les Démons des Songes invoquèrent "Clavehart", un surpuissant Mage Noir qui pouvait d’après eux nous mener à notre perte. Au cours d’une journée sanglante, Selenytes et Brâkmariens épuisèrent leurs forces pour lutter contre le sorcier infâme. Vous auriez dû voir tout l’effort déployé à ce moment-là ! Clavehart fut vaincu par notre pouvoir collectif et les Anenthem retournèrent dans le Néant, après avoir épuisé jusqu’à leur dernier sortilège. Le Sceptre quant à lui fut brisé, selon le vœu commun d’Enayar et de moi-même. Cette aventure allait entrer dans les livres d’Histoire, ou au moins elle le méritait…
Vous rendez-vous compte que ce Passé vous appartient à vous tous, Selenytes ? À l’époque, les Cyns Selenytes n’existaient pas et pourtant vous possédiez tous au fond de vous une force extrêmement belle, presqu’immortelle ! Vous êtes tous aujourd’hui de nouvelles recrues, du sang frais disposé là pour plaire à vos clients d’Astrub. Vos vraies victoires sont bien anciennes !
Ne croyez pas pourtant que vous êtes ici les « Forts » de l’histoire, non ! Votre force se situe très loin dans le passé, et elle est depuis longtemps enterrée !
Qu’avez-vous accompli dernièrement, Cyns ? Quel miracle pouvant égaliser celui d’Enayar avez-vous assumé de vos mains ces dernières semaines ? « Les Forts dominent les Faibles », hein, et quelle belle jambe cela nous fait à tous ! Le Monde des Douze a besoin d’individus forts, et je peux prétendre les avoir connus en ce monde, dans votre clan, il y a des années de cela !
Je sais très bien que vous vous attendiez à une histoire "où les os se brisaient et où les guerriers s’entretuaient". Pourtant, je vous ai raconté là une aventure bien réelle : ce n’est ni plus ni moins une histoire vraie, tirée d’un passé que vous semblez vous plaire à oublier ! Alors, que vous vous sentiez forts et dominateurs ou bien faibles et soumis, dites-vous bien que vous êtes encore très loin du résultat de vos prédécesseurs !
Enayar vous regarde depuis les cieux, et je suis sûr qu’il attend de vous des exploits prodigieux. Montrez-nous ce que vous valez, Cyns Selenytes ! Je vous souhaite un joyeux anniversaire !